Le Rétromobile 2018 a une nouvelle fois su éveiller ma curiosité. Je ne vais pas faire une énumération à la Prévert sut tous les magnifiques modèles de cette édition mais m’attarder sur deux modèles que je ne connaissais pas.
Le premier est la DS limousine de 1968. Celle-ci avait été conçue pour dépasser en longueur la Lincoln utilisée par le président des Etats-Unis. Longue de 6,53 m et immatriculée 1 PR 75 (PR pour président de la République) elle est livrée le 14 novembre 1968 au Général de Gaulle qui voulait faire la nique aux américains.
Véritable OVNI c’est le carrossier Henri Chapron qui se chargea de cette mission. En 1970, deux SM rallongées, à quatre portes et décapotables, prirent le relais suite à une commande de Georges Pompidou. Elles seront empruntées par les présidents Giscard d’Estaing, Mitterrand ou encore Chirac.
Le deuxième modèle est la Wimille 2 de 1948. Jean-Pierre Wimille (1908-1949), pilote français d’exception a conduit avant guerre pour l’écurie Bugatti et après guerre pour Alfa Romeo, il est le concepteur de la « voiture du futur ». Considéré comme le meilleur pilote de son époque et l’un des plus grands pilotes français de tous les temps, ses titres sont éloquents : Grand Prix automobile de France en 1936 et 1948, 24 heures du Mans en 1937 et 1939, Grand Prix automobile de Suisse et de Belgique en 1947, Grand Prix automobile d’Italie en 1948…
Au Retromobile Paris, les véhicules qui ont fait sa légende étaient exposés comme cette Alfa Romeo engagée pour la première fois au Grand Prix de Pau de 1938. Jean-Pierre Wimille remportera trois victoires, le GP de Bourgogne et du Roussillon en 1946 puis le GP de São Paulo en 1948.
En hiver 1949, l’Écurie Gordini dont fait parti Jean-Pierre Wimille, est invitée en Argentine pour participer à plusieurs compétitions. Dans une courbe rapide qu’il passait régulièrement, Wimille surpris par un groupe de spectateurs est contraint de sortir de la piste à plus de 140 km/h… sa Gordini se retourne, il meurt sur le coup. Et pourtant sur ce circuit Jean-Pierre Wimille avait coiffé pour la première fois de sa vie un casque! Malgré quatre accidents sans gravité sur plus de cent quatre-vingt courses, il portait jusqu’alors un simple serre tête !
Wimille et ses cyclopes
Au delà du pilote ce que l’on sait moins c’est que Jean-Pierrre Wimille était un vrai concepteur de voitures avec des particularités bien à elles inspirées de la course : trois places de fronts, conducteur avancé vers l’avant, et deux passagers de chaque côté en léger retrait.
Ses prototypes conçus par le Designer Philippe Charbonneau et appelés Cyclope en raison de son gros phare central, devaient initialement êtres dotés de gros V8 américains produits par Ford. Malheureusement le concept trop avant-guardiste ne correspondait pas à la politique commerciale de Ford, et le tout fut abandonné.
Après la guerre, il conçoit une voiture de série assez révolutionnaire, la JW qu’il présente au Salon de l’Automobile 1948. Elle est motorisée par un Ford V8 en position arrière. avec 3 places à l’avant.
Trois places de fronts
La Wimille est la première voiture de sport moderne à moteur central arrière. Construit sur un châssis tubulaire et bénéficiant d’une excellente aérodynamique (Cx de 0,23), il dispose de trois places frontales — les Matra Bagheera et Murena n’ont rien inventé —, d’un volant central avec le siège conducteur décalé vers l’avant, d’un vaste pare-brise panoramique et de portes et glaces cintrées mordant sur le toit. Jean-Pierre Wimille avait prévu d’installer son propre moteur, un V6 inédit de 1,5 litre développant 70 ch. Mais cette mécanique tardant à être mise au point, le pilote devra renoncer à la fabriquer. A la place, c’est le quatre cylindres de la Traction qui est monté dans la voiture. Avec 56 ch seulement, celle-ci flirte néanmoins avec les 150 km/h grâce à son aérodynamique.
Peu satisfait de cette première ébauche, Jean-Pierre Wimille décide de la construction d’un deuxième prototype, de forme plus élégante et à l’habitacle plus généreux. Sachant que Citroën refusera de lui céder ses moteurs pour une mise en production, il conclut en 1947 un accord avec Ford France. La deuxième Wimille apparaît au salon de Paris 1948, qui corrige les défauts de la première — l’empattement a été allongé et les voies élargies pour une meilleure habitabilité.
Un V8 Ford de 60 cv
Elle comprend de nombreux éléments fournis par le constructeur, dont le V8 de 2,2 litres emprunté à la Vedette et associé à une boîte électromagnétique Cotal. Grâce à un excellent Cx, les 160 km/h sont atteints malgré la faible puissance (60 ch). Dessinée par Philippe Charbonneaux, la nouvelle carrosserie est réalisée par Faget-Varnet. Elle est désormais équipée d’un petit coffre à bagages et de vitres coulissantes et non plus fixes comme précédemment.
Hélas, quelques semaines plus tard, Jean Pierre Wimille se tue au volant d’une Simca-Gordini pendant les essais du Grand Prix de Buenos Aires, ses plus proches collaborateurs décident de continuer sans lui le projet de voiture et présente au salon de Paris 1949 le prototype Wimille 2 avec une face avant corrigée et ne comprenant plus qu’un seul phare en son centre.
Cette beauté aperçue au Rétromobile Paris me fait dire que côté fessiers Kim Kardashian n’a rien inventé. Un délice !
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