Studebaker Avanti : l’auto Art déco


Bien plus qu’une voiture la Studebaker Avanti est un objet design à part entière. Les avis d’hier et d’aujourd’hui sont tranchés : laide ou belle. Sa production fut éphémère ( 1962-1963), pénalisée par un outil de production sous-dimensionné. Et pourtant, son dessin si particulier, aux antipodes des productions de l’époque, avait séduit les acheteurs. Dommage.

Raymond Loewy, designer et le président de Studebaker, Sherwood Egbert à côté de la Studebaker Avanti

Raymond Loewy, designer et le président de Studebaker, Sherwood Egbert à côté de la Studebaker Avanti

Un designer de renom
La marque Studebaker a toujours eu un dessin bien particulier pour ses voitures en témoigne la très belle Studebaker Commander de 1950 ou la Studebaker Hawk de 1958. 1950_studebaker_commanderSon positionnement était de proposer des voitures de qualité, à un prix abordable, d’une technique simple et économique et d’un style avant gardiste. Pourtant la marque vivote, il est urgent de la relancer. Le salut viendra du nouveau président de Studebaker, Sherwood Egbert. Sa consigne est simple : dessiner une auto « de Grand Tourisme d’allure futuriste » prête à rivaliser avec la Chevrolet Corvette. L’idée était de capter l’attention du public avec des lignes révolutionnaires. Faire un personnal car, une niche commerciale pour des couples à la réussite sociale affirmée, épris de raffinement à l’européenne.
raymond-loewy-1Il donne carte blanche à la référence du design Raymond Loewy à qui l’on doit notamment le dessin des Studebaker Champion et Commander mais également les logo Shell , Lucky Strike et l’intérieur du Boeing Air Force One de Kennedy !
Nous reviendrons prochainement sur le travail de ce designer français naturalisé américain.

Une Boîte à maquillage dans la boîte à gants
Loewy et son équipe de designers s’isolent et louent une maison du côté de Palm Springs en Californie pour travailler. 1961 stubaker abavnti sketches by RLUne première maquette miniaturisée est réalisée en un temps record au bout d’une semaine. La maquette en taille réelle arrivera trois semaines plus tard. En 1962 le projet est présenté au salon de New York. Son nom méditérrannéen Avanti : « en avant » en italien. Le succès est au rendez-vous tant le résultat tranche avec les productions de l’époque. Le résultat est surprenant : capot asymétrique, phares ronds, arrière avec lunette panoramique. Le profil recèle le détail le plus intéressant du véhicule : la ceinture de caisse ressemble à s’y méprendre au design des bouteilles de Coca-Cola (tiens tiens…).
studebaker-avanti-2-dr-custom-coupe-1964_17A l’intérieur, ambiance aéronautique avec (comme sur les Mini actuelles) des boutons poussoirs de chauffage sur la console avant et des boutons d’allumage des feux perchés sur le plafonnier comme dans un cockpit de Boeing !

L’ensemble fait très art déco. La créativité de l’équipe des designers a été poussée à l’extrême. Les dames n’ont pas été oubliées au niveau de la place « passager » (et oui c’est monsieur qui conduit…) avec une vraie boîte à maquillage à l’intérieur de la boîte à gants !1974_Avanti_II-28

Un moteur V8 et une carrosserie en fibre de verre
Côté mécanique, l’Avanti se rapproche de sa grande rivale, la Chevrolet Corvette. Elle dispose d’une carrosserie en fibre de verre et adopte un V8 de 4,7 litres revendiquant 240 chevaux. Plusieurs Kits (R2, R3, R4) lui permettent d’augmenter encore sa puissance. L’Avanti propose par ailleurs des freins avant à disque, une première pour une américaine. Pour démontrer ses performances, la Studebaker bat 29 records de vitesse à Bonneville, dont celui de la vitesse maxi pour une américaine de série, à plus de 270 km/h. studebaker-avanti-bonneville-1964-pubsL’Avanti accélère fort. Le son rauque si particulier des V8 américains vous régale. La tenue de route n’a rien à envier aux meilleures européennes : suspensions soignées, barre anti-roulis, freins à disque.

Dès 1963, date de sa mise en prodution, les commandes vont bon train, les concessionnaires croulent sous les commandes mais la production ne suit pas : Studebaker a sous-évalué la demande. La fabrication de la carrosserie est sous-traitée à un fournisseur qui livre également les pièces des Chevrolet Corvette (au succès avéré) et ne parvient pas à suivre le rythme. En décembre 1962, Studebaker décide de reprendre une partie de la fabrication des pièces de carrosserie à sa charge… mais trop tard lassés par des délais de livraison trop longs, de nombreux clients ont annulé leur commande.avanti_
Le 20 décembre 1963, Studebaker se retire du marché et ferme sa seule usine automobile, située à South Bend, dans l’Indiana. Ce jour-là, il ne reste plus que cinq Avanti dans les stocks. Au total, 4647 Avanti sortirent des chaines en 1962 et 1963. A titre de comparaison sa grande rivale la Chevrolet Corvette se sera écoulée à hauteur de 23 000 exemplaires pour la seule année 1963.

Avanti II : retour vers le passé
L’histoire n’est pourtant pas terminée. L’un des dépositaires de la marque, Nathan Altmen, se mit en tête de faire renaître le modèle avec plusieurs associés. Ces derniers cherchent alors des investisseurs, en vain. Ne reste alors plus qu’une solution : investir ses propres deniers dans l’aventure pour produire la « nouvelle » Avanti.
1962-Studebaker-AvantiAinsi une partie du complexe où les Studebaker étaient produites est louée. Une entente est négociée avec Studebaker pour le transfert des moules, des pièces restantes et de l’équipement. Le sous-traitant des carrosseries de l’Avanti, qui était demeuré coincé avec un lot 150 pièces restantes, embarque également dans le projet. L’Avanti Motor Corporation voit le jour. L’Avanti II est née.

Un modèle « luxe » qui se paie cher
L’Avanti II se veut être une voiture de grand luxe à production limitée. Ainsi, l’acheteur peut personnaliser son Avanti II à sa guise. La facture est salée,l’Avanti II est « offerte » à 6000 $ (40 000 euros aujourd’hui). La compagnie elle-même, lors de la présentation de la voiture au public le 2 août 1965, déclare que son bolide peut se mesurer avantageusement aux Ferrari, Rolls-Royce et Maserati. Néanmoins, l’aventure va durer.
La compagnie change de main plusieurs fois dans les années 80 mais le modèle demeure presque inchangé quoique quelque peu enlaidie avec des parechocs en plastique. La dernière Avanti a été produite au Mexique en 2007.

Clap de fin d’un modèle complètement atypique, qui en dépit de ses qualités, aura raté une belle carrière, victime d’une production sous-évaluée.

1963 avanti R2Sa rareté en fait aujourd’hui un modèle de choix pour les collectionneurs d’autant que le prix, pour un modèle du début des années 70, avec un moteur V8 de surcroît, reste encore très abordable et se négocie entre 15 et 20000 euros.

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